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Auteur et « accompagnauteur », écrivain et « transcrivain » … comme vous voulez. Une façon de dire que je ne fais pas qu’écrire seul, mais que j’accompagne aussi des personnes ayant « traversé » des temps de vie dans des difficultés extrêmes, désireuses de transmettre leur « traversée de la nuit » comme dit Geneviève de Gaulle. Je suis venu à l’écriture grâce au Mouvement A.T.D. Quart Monde dont je suis volontaire permanent depuis plus de quarante ans. Pour moi, écriture et engagement sont aussi indissociablement liés que le recto et le verso d’une même feuille de papier. Être au plus près de ceux qui marchent au bord des ravins de la vie humaine, c’est chercher avec eux un langage chemin d’Espérance et de libération. Publié en neuf langues, j’anime également des séminaires de formation à l’écriture en France et à l’étranger. Contact : jean-michel.defromont at laposte.net

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Mon père

Posted on 25 février 20204 mars 2020 by Jean-Michel

Mon père (1)

Mon père, c’était “Le petit Robert”.
Pas le dictionnaire, non. Il était colporteur.
Même si, dans notre lexique familial, le mot n’existait pas, il était un des derniers de son espèce à vanter de porte en porte cottes de travailleurs, slips en coton, tabliers de ménagère, rien que du solide et de l’utile pour payer les fournisseurs et l’école de ses enfants.

Mon père, pendant les repas, écoutait la radio, et ne supportait pas qu’on fasse conversation :
– Mais taisez-vous, nom d’un pétard !
Et si ma mère s’interposait :
– Enfin Robert, tu ne peux quand même pas empêcher les enfants de parler !
– Tais-toi Maria, j’écoute mes informations !
Si on ne sait pas se taire quand il entend De Gaulle, il tonne encore plus fort.

Pour sa fête des pères, je vide ma tirelire et lui achète “Mémoires de guerre”.
Bientôt déçu je suis, perplexe :
jamais il n’ouvrira ce livre. Ni aucun autre.
Jamais ne signera non plus mes carnets d’écolier.
Je ne pose pas de questions.

*

Minuit et demie. Mon fils vient de rentrer. Il me voit devant l’écran.
– Qu’est-ce que tu fais ?
– Je lis des trucs sur mes parents…
– Tu veux t’y remettre ?
– Je me demande si je ne vais pas en mettre des morceaux sur mon site.
– Ce serait bien.
– C’est quand même délicat…
– Oui mais, en même temps, ça leur permettra de vivre.

*

Mon père (2)

« Maria, tu ‘masque à gaz’. »
Pour dire à la fois tu m’agaces et tu m’étouffes, difficile de faire plus court.
Mon père avait ainsi tout un réservoir d’expressions à lui :
«  Il serait pas un petit peu comme on tape des clous ?  »… «  Arrête de parler comme un déconophone !  »…
Et avec ses clientes, parfois, sa jovialité satirique et directe fait mouche :
« Je t’aime bien madame mais j’aime mieux ton fric »

Toujours la même tournée, lundi ici, mardi là.
Un village le matin, un autre l’après-midi.
En fonction des jours de paies, de versements des allocations…
« Si tu crois que ça m’amuse de faire des sourires aux gens à longueur de journées… »
Souvent, il rentre à bout.
« Tu te rends compte, Maria, aujourd’hui, j’ai fait que trois gants de toilettes. »

Il se plaint de ne pas trouver chez lui assez de respect.
« Je vais dans des coins, je vois des fainéants, des gens qui boivent
et, leurs enfants, c’est papa maman tout le long du bras. »

Il ne comprend pas qu’on ne coure pas lui ouvrir la porte du garage le soir quand il rentre de tournée.
Ne jamais laisser la voiture dehors « à cause de la marchandise ».
La voiture : une Juva 4 Renault, vert d’eau, puis une Estafette bleue surélevée pour pouvoir s’y tenir debout.
Chaque soir, ouvrir le garage, soulever les verrous du sol, abaisser ceux d’en haut. Tirer sur les battants lourds qui frottent par terre et vite refermer pour que personne ne voie.
C’est mon travail. Je ne suis pas grand mais je le fais bien.
Lui attend au volant.
Ma mère : « T’as bien fermé le verrou et la clé ? ».

Plutôt deux fois qu’une.

_______________________________

© Jean-Michel Defromont – décembre 2007 puis 20 juin 2009 pour la « Nuit Remue 3 ».
Photo Simon Bouisson-Dintrich, détail d’une œuvre de Valérie Dintrich

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Auteur et « accompagnauteur », écrivain et « transcrivain »… comme vous voulez. Une façon de dire que je ne fais pas qu’écrire seul, mais que j’accompagne aussi des personnes ayant « traversé » des temps de vie dans des difficultés extrêmes, désireuses de transmettre leur « traversée de la nuit » comme dit Geneviève de Gaulle.

Citations d’auteurs

« La beauté n’est pas un simple ornement, la beauté c’est un signe par lequel la création nous signifie que la vie a du sens. Avec la présence de la beauté, tout d’un coup on a compris que l’univers vivant n’est pas une énorme entité neutre et indifférenciée, qu’il est mû par une intentionnalité. Vous dîtes que c’est difficile de trouver la beauté, or la présence de la beauté est partout : une simple fleur, c’est un miracle. Pourquoi une fleur qui s’épanouit en pétales atteint ce degré de perfection, de forme, de couleur et de parfum ? ça, on ne s’étonne jamais assez. »
François Cheng à la Grande librairie le 29 janvier 2020

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